Salomé Saqué en conférence pour Presse Citron : « Écouter les jeunes avec une sincère curiosité »

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Journaliste et autrice de "Sois jeune et tais-toi", Salomé Saqué donnera une conférence jeudi 11 avril dans le cadre du cycle Presse-Citron organisé par la Métropole. Elle abordera notamment la réalité de la jeunesse actuelle, confrontée à des crises sans précédents.

Paresseux, égoïstes, insensibles… Votre livre dénonce les clichés véhiculés par la société sur les jeunes. Comment décririez-vous cette jeunesse ?

Tout d’abord, il est important de souligner qu’il n’y a pas une jeunesse mais des jeunesses. Les jeunes n’ont ni les mêmes vies, ni les mêmes opinions, mais ils font tous face à des événements contextuels uniques dans l’histoire. Le plus gros défi qui les relie, c’est la crise climatique. Le Giec explique bien cette inégalité générationnelle profonde. Une personne née en 2020 va subir sept fois plus de vagues de chaleur au cours de sa vie qu’une personne née en 1960.

Ensuite, il y a la question économique. Les jeunes sont les premiers pauvres de France. Ils constituent la moitié des files d’attente devant l’aide alimentaire. Ça dit beaucoup de choses car les jeunes n’ont pas toujours été cette génération précarisée par rapport au reste de la population. Sans oublier la précarité de l’emploi. Un emploi sur deux occupé par un jeune est un emploi dit "précaire", c’est-à-dire en intérim, en CDD ou en autoentreprise. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces statuts sont souvent subis.

Quant à la question du logement, selon une étude parue récemment, un étudiant sur dix a dormi au moins une fois dans la rue en 2023. Proportionnellement, c’est beaucoup plus que le reste de la population. Tout cela produit une génération globalement plus angoissée que les précédentes.Selon les chiffres de Santé publique France, un jeune sur cinq présente des troubles dépressifs.

 

  • Comment se traduit l’engagement des jeunes, souvent accusés de « je-m’en-foutisme » ?

Les jeunes votent de moins en moins, mais ça ne veut pas dire qu’ils se moquent de ce qui se passe autour d’eux. Ils sont capables de se mobiliser quand une cause les touche, notamment via des actions collectives, mais ils vont utiliser d’autres formes d’expressions comme les réseaux sociaux. On a pu le voir sur les questions de la Palestine ou des Ouïghours, par exemple. En fait, les jeunes vont davantage s’engager de manière ponctuelle, quand ils ont l’impression que leur action peut avoir un impact à très court terme.

 

  • Vous préconisez la solidarité intergénérationnelle pour faire face aux crises qui nous impactent. Comment faire pour la favoriser ?

Tout simplement en écoutant les jeunes. Et ça commence dans la sphère familiale. Lors de ma tournée des librairies, beaucoup de jeunes m’ont dit qu’ils ne sentaient pas entendus par leurs parents, leurs grands-parents, et que c’était une vraie difficulté, voire une souffrance. Trop souvent, il y a de l’incompréhension, voire du mépris sur leurs choix de vie. Ce qu’on peut tous faire à notre échelle, c’est écouter les jeunes avec une sincère curiosité et bienveillance, en essayant de mettre de côté les préjugés. Je pense que ça nous permettrait de mieux faire société.

Sur le plan politique, j’appelle vraiment à adapter les politiques publiques aux besoins des jeunes car les mesures qui sont prises aujourd’hui ne répondent pas du tout à leurs aspirations. Les jeunes rencontrent des problèmes majeurs pour se loger, se nourrir… et ils sont pourtant les grands oubliés des politiques publiques. Or leur voix est tout aussi légitime que celle des plus âgés. Notamment sur les sujets de société comme l’écologie où ils sont les premiers concernés.

 

  • Comment expliquer la place prépondérante des réseaux sociaux dans la vie des jeunes ?

Les réseaux sociaux sont un outil d’information incontournable pour les jeunes. Ils leur ont offert un nouveau moyen de faire société, de s’engager et de penser. Mais ils sont aussi à l’origine d’une rupture générationnelle.

Il y a une immense incompréhension du côté des plus âgés qui se demandent à quoi sert TikTok, par exemple, avec le présupposé que les jeunes sont plus stupides qu’avant car ils s’adonnent à ce genre de pratique. Or, si on essaye de comprendre le contexte économique dans lequel les jeunes évoluent et à quel point l’école ne remplit plus ses promesses, on peut comprendre qu’ils aient des nouveaux rêves comme celui de devenir Youtubeur. En réalité, il y a beaucoup d’explications socio-économiques à des comportements de jeunes qui peuvent nous paraître débiles.

Enfin, même si celui-ci est minoritaire, il existe un mouvement de remise en question des réseaux sociaux avec des jeunes qui créent des expériences de démocratie alternative ou des éco-lieux : c’est aussi ça la diversité de la jeunesse.

  • Quels sont les messages fondamentaux que vous avez envie de faire passer lors de votre conférence à Grenoble ?

D’arrêter de répandre des clichés sur les jeunes et de faire preuve d’empathie. J’aimerais que l’on sorte de cette vision politique de la jeunesse qui aurait besoin d’autorité et d’être remise dans le droit chemin. J’invite les gens à s’informer sur la réalité que vivent les jeunes. J’espère qu’il y aura des personnes de plus de 50 ans dans la salle que ça intéressera sincèrement.

 

Pour écouter et échanger avec Salomé Saqué, rendez-vous le jeudi 11 avril à 18h30 au siège de Grenoble Alpes Métropole, 1 place André Malraux (entrée gratuite)

Salomé Saqué, journaliste engagée à la notoriété grandissante

À 28 ans, Salomé Saqué dirige le service Économie chez Blast et chronique régulièrement pour d’autres médias (France 5, France Info, Arte…). Journaliste engagée, Salomé Saqué s’est notamment spécialisée sur le réchauffement climatique, la jeunesse et l’égalité hommes-femmes. En mars 2023, elle publie son premier livre « Sois jeune et tais-toi, réponse à ceux qui critiquent la jeunesse » aux éditions Payot.

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